La naissance d’une amitié spirituelle

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« On lâche quand c’est pour notre bien ! »

 Mes parents m’aiment beaucoup, mais nous ne partageons pas grand-chose hormis ma maladie et si, oui ou non j’ai de l’argent et un toit. Mon frère est mon frère, mais nous sommes des étrangers. Je me sens seul alors je vis bien entouré. Il y a un an, tout allait bien, tout allait mal, comme d’habitude.

Une nouvelle colocataire, Lucie, est arrivée chez nous. Durant cette année, Lucie a partagé avec moi ses expériences de vie en lien avec le Reiyukai. J’ai rencontré ses amies et compagnons de pratique, et j’ai participé à deux réunions.

De plus en plus je comprenais que cette pratique me parlait mais je restais à la porte, bloqué notamment par la récitation du Soutra pendant laquelle je ne pouvais sortir aucun son de mes cordes vocales. Mon langage jusque-là était la méditation que je pratique depuis plusieurs années.

Faire face à la réalité et se transformer

Après un an de quotidien précieux, entre la musique jouée ensemble, la cuisine partagée chaleureusement et de nombreux moments de complicité, Lucie m’annonce  son envie de partir de la colocation pour de nouveaux horizons. Gorge serrée et l’armes qui montent, en quelques minutes tout s’effondra. Traveling-contrarié comme dans un film.

Je comprends instantanément que sans m’en rendre compte j’étais tombé très amoureux de Lucie, mais que son amour envers moi aussi fort soit-il, ne se place pas au même endroit.

Je vis ça physiquement comme si l’on m’arrachait quelque chose du ventre, je n’avais jamais vécu ça aussi fortement. Je pleure une semaine sans fin, à ne plus pouvoir dormir ni manger. Bouillotte sur le ventre pour combler ce vide.

La décision du confinement se faisant sentir imminente, deux choix se présentaient alors à moi. Fuir ou rester chez moi et affronter l’émotion. La peur aux yeux et le ventre creux, je décide cette fois de rester.

 Lucie me propose que l’on récite le soutra ensemble chaque jour jusqu’à son départ. Nous récitons ensemble quelques jours, puis je poursuis finalement seul, chaque matin dans ma chambre, devant un autel qui avait toujours été là sans que je m’en rende vraiment compte. Beaucoup de larmes à chaque récitation, je vis ça comme un lavement intérieur.

Le confinement s’étirant, notre cohabitation finit par devenir difficile car nous voulons tous les deux fuir : Lucie, de la maison car elle me voit souffrir et veut sortir de cette situation, et moi de mon sentiment amoureux.

C’est une phrase de ma colocataire Anne, un soir au coin du feu, qui commence à faire raisonner en moi quelque chose : « On lâche quand c’est pour notre bien ! ».

 Naissance d’une amitié spirituelle

Lucie réalise qu’avec le confinement elle ne peut aller nulle part. Moi je réalise ce jour-là que je ne peux pas et que je ne veux pas ne plus être amoureux. Il faut rester et vivre le truc. On se retrouve assis sur le canapé et nous capitulons. Nous lâchons tous les deux nos résistances, pour notre bien.

La complicité entre Lucie et moi revient peu à peu, on s’épaule, on récite ensemble de temps à autre, on joue à nouveau de la musique ensemble et puis on participe aux réunions de Reiyukai, qui font tellement de bien. Depuis Lucie a déménagé de la maison et le cœur plus léger j’ai pu accueillir son absence.

La conscience comme vecteur de transformation

Entremêlé d’émotions sinusoïdales, la récitation du Soutra m’a donné une nouvelle énergie, plus légère, pour recontacter mon frère que j’ai appelé après trois ans de silence. Mes recherches sur mes ancêtres m’ont amené à découvrir un oncle insoupçonné et à avoir de belles discussions avec mon père.

C’est difficile de mettre des mots sur ces deux mois très intenses, mais je sens que des choses très profondes en moi bougent. Je comprends maintenant que mes blessures profondes sont la peur de l’abandon, le rejet, la trahison. Je comprends maintenant ce vers quoi je veux grandir.

Me reconnecter au monde

La méditation m’a énormément aidé ces dernières années pour apaiser la rage que j’ai en moi, les douleurs physiques et morales que j’éprouve au quotidien. Pourtant elle m’a été inutile ces deux derniers mois, car j’avais besoin d’exprimer et de partager des ressentis, de me reconnecter au monde que je fuis beaucoup, car trop rugueux.

Je prends conscience du fait que la récitation du Soutra et le partage d’expériences dans les réunions m’ont beaucoup apporté. J’ai le souhait de retrouver confiance dans le monde extérieur qui peut être aussi doux qu’un après-midi avec Lucie.

 

John