Coéquipiers d’une même cordée

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Accueillir des compagnons suscite de nouvelles questions auxquelles les Sessions d’approfondissement apportent des éclairages ou des pistes. Voici un extrait des échanges des animateurs lors de la dernière Session…

 Aîné(e)- compagnes et compagnons : les coéquipiers d’une même cordée

Claire, animatrice : Mes trois compagnes directes pratiquent toutes pour des raisons très personnelles. Elles n’entendent pas le chemin proposé, celui des bodhisattvas.

En quoi cela peut-il me permettre d’expérimenter l’Enseignement et de me transformer ? Quelles sont les bonnes questions à me poser face à cette situation ? Avec quel projet accompagner ces compagnes ?

Gilles, directeur de Branche : Peux-tu nous dire les raisons pour lesquelles tu pratiques. Quel est ton projet ?

Je ne peux pas concevoir l’existence sans quitter ce monde meilleur que lorsque je suis née. Je ne souhaite pas non plus un chemin de méditation personnelle parce que j’ai quelques expériences de pratique grâce auxquelles j’ai goûté à la joie de faire avec les autres. Ces derniers temps, ma pratique était très vivante et je ressentais que le rôle d’un être humain sur terre était celui d’un bodhisattva, c’est-à-dire de prendre soin de l’humanité au sens large. Quand je vois au quotidien l’état des gens qui m’entourent, je sens qu’il faut que nous devenions plus conscients. J’ai entendu il y a peu que l’ignorance est la cause de la souffrance. Réciter le Soutra, expérimenter les enseignements, permet de développer la conscience et de changer notre rapport au monde et aux autres. C’est la trame de fond de mon engagement. On m’a transmis que c’était important de créer un Cercle avec mon aînée.

Katiba, animatrice de Famille : Je connais ton expérience et j’ai le souvenir que lors d’un moment de partage avec une de tes compagnes chez qui tu t’étais déplacée, tu as vu quelque chose d’extrêmement précieux pour ta pratique.

Claire : C’est vrai. J’ai vu que mon sujet de pratique était, comme celui de mes compagnes, très personnel, et qu’au fond mon souhait d’Éveil, de sagesse, du bonheur des autres n’était que des mots.

Katiba: Peut-être faut-il accepter qu’enraciner en nous un but plus large que la résolution de nos obstacles personnels demande du temps ?

Comment faire naître chez les compagnons le désir d’apprendre auprès des aînés ?

Marie-Thérèse, animatrice : Je vérifie depuis un moment que le progrès des uns et des autres est étroitement lié : en effet quand je m’appuie sur l’expérience de mon aînée pour éclairer ce qui apparaît dans la relation avec mes compagnons ou pour entendre une transformation à réaliser, alors la réalité bouge. J’ai pris une dimension plus ferme dans l’accompagnement de mes compagnons parce que j’ai vu que mon aînée était moins dans une écoute complaisante qui me faisait sans doute du bien, mais m’empêchait d’entendre le sens. Depuis un moment elle m’encourage à me concentrer sur l’Enseignement, je m’y efforce et les effets sont étonnants.

Marion, animatrice : Ces derniers mois je me suis souvent désolée de voir mes incapacités dans les liens avec mes compagnons, notamment avec mon compagnon de vie qui est aussi un compagnon de pratique. Je réagissais à son égard de façon très ordinaire, incapable d’accepter ses limites dans la vie et dans la pratique. Lasse de faire ce constat, je suis venue régulièrement rencontrer mon aîné, Gilles, et exprimer avec sincérité mes limites, mon manque de cœur, d’acceptation et de compassion. Il m’a encouragée à ne pas m’appesantir sur ces difficultés, à proposer l’Enseignement à des amis et à venir rechercher avec eux. Je me suis mise en relation avec les autres d’une manière différente, désireuse d’apprendre qui ils étaient, ce qu’ils vivaient. Nous avions commencé à développer, durant le confinement, une relation d’amitié avec nos voisins mais j’étais encore pleine de jugement vis-à-vis de ma voisine. Après un échange chez mon aîné avec une compagne, nous avons reçu mon mari et moi ce couple de voisins et il s’est passé des choses incroyables. J’ai vraiment expérimenté que lorsqu’on se relie aux autres avec le souhait d’apprendre et de se transformer, ce qui apparaît dans la relation sort de l’ordinaire. Ce soir-là nous avons vu le lien karmique qui nous unissait à ces personnes. Ça a dissipé l’incompréhension qui était la mienne face au comportement de cette jeune femme, et éveillé l’envie de lui proposer prochainement l’Enseignement. Aujourd’hui, je vois que se relier à son aîné avec l’envie d’apprendre, que partager l’Enseignement, c’est très puissant. Cela peut transformer notre destin.

Comment demander à recevoir des compagnons sans y mettre de pouvoir personnel ?

Solène, animatrice de Cercle : L’obstacle commun à tous les membres du Cercle est que nous croyons pouvoir diriger notre vie grâce à notre pouvoir personnel. Conscients depuis un moment que ce n’est qu’une illusion, nous concentrons nos efforts de pratique afin de quitter cette vision erronée de la réalité. Récemment plusieurs membres du Cercle ont vraiment reçu, sans y mettre leur pouvoir, de nouveaux compagnons. C’est très encourageant. J’ai moi-même, durant les vacances, reçu une compagne, essentiellement motivée par les souffrances qu’elle vit dans le lien parents-enfants. J’étais un peu déçue que sa motivation ne soit pas plus large. Mon aînée m’a rappelé que je n’avais pas à choisir pour quelle raison cette personne pratiquait, que c’était aussi l’occasion de nettoyer des souffrances karmiques profondes. J’ai ressenti alors que je n’avais qu’à remercier le monde spirituel d’avoir reçu cette compagne pour me transformer.

Yan, animateur de Famille : Une de mes compagnes, très assidue aux réunions, exprimait systématiquement les souffrances vécues dans des relations conflictuelles avec des voisins dont elle se sentait victime. Je connais bien ce rapport belliqueux au monde. Bien que conscient du lien avec moi, cela ne m’empêchait pas de la juger, d’être donneur de leçons. Il y a peu, j’ai entrepris la récitation du Soutra du Lotus. La semaine durant laquelle j’ai commencé cette pratique, je me suis mis extrêmement en colère contre quelqu’un. C’était horrible et j’ai ressenti une très grande honte, un immense découragement et surtout un état physique d’empoisonnement. J’ai vu à quel point la colère était un poison et j’ai vraiment regretté mon attitude. Une humilité nouvelle est née devant ces états de colère, plus profonds que je ne l’imaginais, et que je pensais avoir réglés. A la réunion suivante, cette compagne, pour la première fois depuis un an, a demandé qu’on lui transmette un enseignement qui l’encourage. Pour la première fois ce que je lui ai transmis venait du fond du cœur parce que je voyais que nous étions semblables. Les barrières du jugement étaient tombées: nous étions, aîné et compagne, sur le même chemin. Ce jour-là elle avait envie d’entendre et elle a entendu une piste précieuse pour elle.

Je suis animateur de Famille depuis presque un an, proche d’être animateur de Cercle mais cela ne se réalise pas et je ne sais pas pourquoi. En récitant le Soutra de Maitreya ce matin, j’ai ressenti que je n’avais pas envie de voir ce qui faisait obstacle, par peur de souffrir, d’être atteint dans mon ego. Simultanément à cette prise de conscience, j’ai vu le lien avec plusieurs compagnons, un lien que je ne voyais pas auparavant.

Gilles : Ne pas avoir envie de voir de quoi nous sommes constitués, comment notre monde ancestral nous conditionne, c’est un gros obstacle pour nous tous, mais la pratique des compagnons lève le voile sur ce monde. L’ego refuse que cela apparaisse. Ce que tu as ressenti durant la récitationest extrêmement précieux. Tu commences à lever le voile sur la réalité karmique, la réalité ancestrale. Relie-toi aux aînés, pose des questions, accompagne tes compagnons avec tes aînés et le processus va se déployer. Tu te transformeras.