« Ce n’est pas le fait que nous soyons imparfaits qui compte. Ce qui compte c’est le cœur, le souhait de progresser et d’agir les autres. »
En 2018, profondément découragée, j’ai voulu arrêter de pratiquer, cédant ainsi à un conditionnement bien connu, celui de fuir quand la réalité est trop difficile pour moi. J’ai tenu bon grâce à des ainées et à des compagnons qui ont continué à nourrir le lien.
A ce moment-là j’avais à remettre en cause mon esprit et ma façon de pratiquer. J’ai récité le Soutra en regrettant de résister à l’Enseignement et en souhaitant qu’il me soit possible de recréer une proximité avec mes compagnons et un cœur différent.
S’est ajouté à cela un obstacle très concret dans ma réalité de vie. Des ennuis de santé m’empêchaient pendant deux mois au moins de sortir de chez moi. Cela me semblait un obstacle insurmontable pour créer une proximité avec les compagnons. A ce moment-là Solène, mon aînée, a entendu qu’il était important de se déplacer chez les compagnons et est venue en Auvergne. Elle avait le projet de me rencontrer ainsi que mes compagnes et compagnons de pratique. C’était le comble pour moi ! Je lui ai dit qu’elle ne devrait pas compter sur moi.
Grâce à une ainée, j’ai accepté que je ne savais pas comment les choses allaient se passer et j’ai demandé comment avoir une pratique active, au-delà de ma perception ordinaire. Et tout s’est mis en place : une compagne a demandé à réciter le Soutra par téléphone le matin, d’autres l’ont rejointe, un compagnon qui avait arrêté a repris et à chaque fois que ma fille me rendait visite, elle demandait à réciter devant l’autel. J’ai pu participer à toutes les réunions avec Solène par téléphone. Sa venue a été très importante, car elle a permis de mettre au jour un obstacle commun à notre progrès – l’auto-dévalorisation – et j’ai vu l’importance de la détermination à résoudre cet aspect, car il est apparu dans de nombreuses situations chez les compagnons : « Si nous ne nous sentons pas capables de réaliser le projet du Reiyukai, comment envisager alors que les autres le soient ? » Notre pratique de récitation en commun s’est poursuivie et nous sommes arrivés à la période du confinement.
Le message du Président, Mr Sueyoshi, nous a encouragés à partager la pratique avec des personnes nouvelles. A nouveau j’ai pu lâcher mes conceptions sur le déroulé d’une réunion régionale par téléphone, et mes compagnes et moi avons invité des personnes parmi lesquelles certaines ont commencé la pratique, dont ma fille ainée. A ce moment-là, le but des récitations du matin était de nous soutenir dans cette situation particulière, génératrice de beaucoup d’inquiétudes, et de permettre à chacun de créer un lien quotidien avec l’Enseignement, d’adopter une autre vision des événements et une recherche de progrès dans ces circonstances. Ces moments de pratique ont évolué dans la forme grâce à chacun et j’ai juste eu à dire oui à ce qui se proposait. Tous, nouveaux comme anciens, ont expérimenté des rôles. Chaque matin, nous avons présenté l’Enseignement en lisant des articles du Monde de Bouddha et ce sont à tour de rôle Claudine, Yasukasu, les Fondateurs et d’autres qui ont éclairé le sens de la pratique.
Un noyau de préparation des réunions s’est créé. J’ai ainsi expérimenté que lorsque l’on accomplit des pratiques dans des situations particulières, il est possible de goûter à des dimensions pas ordinaires.
Déjà, bien sûr, j’ai vu concrètement les aspects limités de mon humanité, je les ai regrettés, et j’ai essayé de faire grandir en moi les qualités dont on nous parle. Mon ainée a souvent participé à nos réunions et, suite à un article du Monde de Bouddha, j’ai pris comme recherche : Qu’est-ce que la conscience du sens profond des liens ? J’ai vu alors se lever en moi une grosse crise d’auto-dévalorisation par rapport à mon ainée et j’ai réalisé aussi que je ne prenais pas ma place dans les réunions, que je me cachais derrière elle, ce qui générait ensuite de la colère à son égard. Comme avec ma mère que je considérais tellement mieux que moi.
J’ai mis longtemps à entendre qu’il était important de voir les obstacles de notre esprit de pratique, je voyais davantage les obstacles de ma vie, parce qu’ils me font souffrir. Lors d’une récitation du Soutra de Maitreya, une compagne a évoqué une résistance à la récitation de ce Soutra. Je me suis demandé en quoi mon esprit était rebelle à l’Enseignement. J’avais conscience de ne pas être toujours d’accord, mais pouvait-il y avoir autre chose? Pendant trois jours je n’ai pas pu réciter le Soutra Bleu et j’ai dû partir avant la fin d’une réunion, tellement cela m’était intolérable. Un autre jour, il m’est apparu comment il est possible de s’illusionner : lors d’une réunion des personnes se disaient très ouvertes d’esprit et pourtant elles ne posaient aucune question, enfermées dans ce qu’elles connaissaient. De quelle manière, m’illusionnais-je moi aussi sur la qualité de mon esprit? Le lendemain j’ai eu la surprise d’entendre ma fille me dire lors de la récitation : « Ce n’est pas festif pour moi la récitation du Soutra, je préfère les cérémonies au temple du Bost et je n’ai pas envie de m’intéresser aux autres. » Malgré tout, elle voit bien qu’elle a des prises de conscience chaque jour, et que sa journée se passe mieux lorsqu’elle récite. Elle éprouve de la gratitude à être acceptée à réciter le Soutra telle qu’elle est. Et le lendemain plusieurs compagnes ont exprimé qu’elles faisaient trop d’efforts dans la pratique et qu’elles voulaient du temps pour elles. Je regrette tous ces aspects que porte aussi mon esprit et qui sont des obstacles, et je demande à recevoir les pratiques qui me permettront de les transformer.
Parallèlement j’ai reçu des aides dans ma vie : des rendez-vous se sont décalés, des personnes sont arrivées quand j’en avais besoin. Cela m’a permis d’entendre que, sans doute, le monde spirituel voyait mes efforts et m’envoyait de l’aide. C’était important, car ça a souligné le rôle positif de l’effort.
Ce sont les expériences des compagnons qui me font goûter à la joie, à la reconnaissance et à la confiance. Trois compagnes, notamment qui ont des circonstances de vie difficile se concentrent sur l’accompagnement de leurs compagnons et cherchent à créer des relations positives dans leur famille. Elles développent ainsi une attitude de cœur et une stabilité de l’esprit plus grandes et de nouveaux compagnons arrivent. Une autre, dont les compagnons avaient pour la plupart arrêté, a remis en cause son humanité et son esprit de pratique. Elle s’est investie dans des rôles, animée d’un grand souhait de considération et de gratitude comme les récitations du Soutra de Maitreya l’y invitaient. Cela lui a permis de recevoir de nouveaux compagnons. Ces compagnons ont tout de suite expérimenté que le monde du Reiyukai n’était pas un monde ordinaire, notamment l’un d’entre eux qui venait de perdre son frère avec qui il était en froid depuis de nombreuses années. Il a pu assister à son enterrement, le cœur en paix, ce qui était inconcevable auparavant.
Lors de mon premier séminaire en 2005, un couple de japonais, Mr et Mme Sakai, exprimait la considération présente entre tous les membres de leur famille, parents, enfants et grands-parents. Je rêvais de réaliser cela. Aujourd’hui je crois que je peux dire que je suis sur ce chemin de réalisation. Bien sûr, je ne savais pas à l’époque dans quelles conditions je le réaliserais, qu’il faudrait que les couples de nos deux filles se défassent, et qu’il nous faudrait vivre un confinement. La colère, notamment, très présente dans la relation avec ma fille aînée, s’est nettoyée durant ces quinze années de pratique. Aujourd’hui elle pratique avec moi et nous avons une belle relation en dehors de l’affectif. Quand à ma relation de couple, ce n’est qu’en 2019 que j’ai pu voir que je ne faisais pas ce que me montraient les compagnons, que je devais m’appliquer l’Enseignement et accepter la responsabilité de ce que je créais dans cette relation. J’ai pris la détermination devant le monde spirituel de faire mon possible. A partir de ce moment-là, un mouvement s’est mis en route. Depuis le confinement, grâce à cette pratique très dynamique, comme mes compagnes j’ai bénéficié d’une attitude de cœur et d’une stabilité plus grandes qui m’ont permis de ne pas réagir face aux états très difficiles que traversait mon mari, consciente qu’il était soumis à des états. J’ai fait de mon mieux, mais devant mon impuissance, j’ai demandé au monde spirituel de m’aider. J’ai alors été inspirée et mes paroles l’ont éclairé. Depuis nous avons un vrai échange, ce qui n’avait jamais existé auparavant.
Tout ce chemin, en un an et demi, m’a montré que, comme l’a souligné ma fille, ce n’est pas le fait que nous soyons imparfaits qui compte. Ce qui compte c’est le cœur, le souhait de progresser et d’agir pour et avec les autres. C’est ce qui permettra, peu à peu, de créer plus de conscience et de paix.
C’est le résultat d’une pratique d’actions répétées, de remise en cause, et ce sont les compagnons qui aident à construire la détermination et la persévérance.
Joëlle