J’ai rencontré celle qui allait devenir mon aînée de pratique lors d’un atelier de diététique. J’avais été particulièrement sensible à la qualité peu commune de l’attention qu’elle portait aux autres. Aussi l’ai-je accompagnée avec confiance lorsqu’elle m’a invitée à découvrir le Reiyukai. Lors de ce premier échange, j’ai entendu que chaque être humain a un potentiel illimité de progression et de transformation et j’ai accompli avec simplicité les actions de pratique : j’ai lu le Soutra, assisté aux réunions au Centre ou chez mes aînées. J’étais réjouie parce que j’avais le sentiment à plus de soixante ans de découvrir un monde nouveau dont j’ai expérimenté la puissance très rapidement ! En effet, je me suis apaisée, j’étais plus sereine et cela a eu des répercussions positives, notamment dans ma relation de couple, très conflictuelle depuis toujours. Ce changement m’a interrogée : il était donc possible d’avoir l’esprit en paix et de ne pas être engluée dans les frustrations et les colères ? Cela m’a incitée à poursuivre car je sentais que cette recherche conférait un sens nouveau à ma vie.
Mon enthousiasme a suscité chez des proches le souhait de devenir membres eux aussi et j’ai accueilli rapidement quelques compagnes de pratique. Ma fille aînée, intriguée, a participé à une réunion au Centre. Elle est repartie, animée par une violente colère à mon égard. Elle a exprimé de nombreux reproches qu’il m’a été très difficile d’écouter mais j’ai pris conscience que jusqu’alors je n’avais jamais eu de considération ni de respect pour mes enfants. Ces qualités n’existaient pas dans ma famille. Je m’en suis excusée très sincèrement auprès d’elle et, lors de mes lectures du Soutra, j’ai regretté d’avoir, sans le vouloir, engendré des souffrances. Peu après, ma fille a souffert d’un état dépressif et j’ai expérimenté concrètement cet enseignement de respect et de considération. A chacune de nos rencontres, je me suis efforcée de la considérer comme un être humain à part entière et non comme ma fille. Le lien profond qui nous unissait m’est apparu clairement. J’ai reconnu chez elles des limites qui avaient aussi affecté ma vie. J’ai vu à quel point les attentes vis-à-vis des autres génèrent des insatisfactions, sources de dépression. Aujourd’hui, notre relation a beaucoup changé : elle est apaisée, sereine et très respectueuse. Elle est très différente de ce que j’imaginais que devait être une relation mère-fille.
Malgré ces progrès, il m’est arrivé d’être parfois découragée. Le découragement est souvent lié chez moi aux idées que j’ai sur le progrès. Je suis attachée à des aspects précis que je voudrais transformer et je m’arcboute sur les résultats attendus. J’ai alors besoin de réentendre de mes aînées que nos réalités de vie sont intimement liées à ce que nous ont transmis nos ancêtres, à nos relations, à nos actions. Cela m’encourage à accompagner les personnes reliées à moi, à me rendre disponible pour elles, à leur transmettre à mon tour l’Enseignement. Je découvre en effet que les idées que j’avais de la nature des progrès à réaliser étaient fausses et de nouvelles perspectives s’offrent à moi et chassent le découragement. J’expérimente ce que j’ai souvent entendu lors des réunions, à savoir qu’ainsi on développe naturellement des qualités et quelquefois pas du tout celles dont on croyait manquer. Ainsi je croyais être quelqu’un de très souple mais quand j’ai eu des compagnes de pratique, je me suis découverte très rigide : je programmais même les appels téléphoniques ! Lorsque mes aînées de pratique m’ont proposé de participer, au mois de janvier, à une réunion dans le Massif Central où vivent la plupart de mes compagnes, j’ai ressenti une peur panique ! Ce n’était pas moi qui avais décidé ! J’ai prédit des congères, de la neige… Il a fait un temps superbe ! Quelques mois plus tard, nouvelle réunion : cette fois, je n’étais pas conviée. Alors là, crise de frustration et de jalousie ! Comment ? Il s’agissait tout de même de mes compagnes ! Que de réactions éloignées du souhait de me transformer…Petit à petit, j’ai entendu la nécessité de me remettre en cause, l’importance de corriger ces attitudes erronées et de faire confiance aux propositions de mes aînées.
Les progrès de nos compagnons témoignent aussi de la qualité de cet enseignement.
Ainsi, l’une d’elle est empêchée de vivre par ses angoisses et des maladies. Cependant, elle trouve de plus en plus facilement le courage de parcourir le trajet du Massif Central à Nantes pour assister aux séminaires, parfois même aux réunions mensuelles. Elle y est poussée par son désir de transformation et sa détermination à entendre l’Enseignement pour elle et pour sa compagne.
Ma première compagne de pratique est une rebelle, elle a toujours fait de la résistance, notamment face au but du Reiyukai et au lien avec les aînées de pratique. Elle exprimait que ce qu’elle attendait elle comme résultat, c’était une maison ! Malgré tout, elle a accepté de se relier au cercle et a participé à la plupart des séminaires. Elle a accueilli trois compagnes de pratique, et grâce à ça, elle a participé à une session d’approfondissement. A ce moment-là, ses oreilles se sont ouvertes : elle a entendu l’Enseignement et elle a commencé à le transmettre. Pour la petite histoire, elle a trouvé sa maison !
C’est vraiment réjouissant de voir les progrès de nos compagnons. C’est précieux. Mes compagnes me montrent également que, quand on est centré sur soi, attaché à ses croyances, à ses conceptions, on a du mal à progresser, à entendre l’Enseignement.
Petit à petit, notre groupe se développe et moi, je vois que je change. Le sens et la qualité de ma relation aux autres en particulier se modifient. Au début de ma pratique, j’ai souvent dit : « le Reiyukai, c’est très bien, mais sans les autres ». Et si, dans ma vie, j’ai toujours laissé les autres parler, si je les ai écoutés, c’est qu’ainsi, je ne prenais pas de risque. Maintenant, dans les relations, je suis vraiment active, partie prenante, présente. Je m’aperçois que je dois ce changement aux actions que j’ai accomplies pour accompagner les membres de mon cercle afin qu’ils progressent. C’est ainsi que s’est créée cette présence active aux autres et au monde, nouvelle pour moi.
Récemment, mon mari et moi, avons rendu visite à notre famille dans le Bourbonnais, région proche du Massif Central. Mon aînée de pratique m’avait encouragée à m’y rendre avec ce questionnement à l’esprit : « Qu’est-ce qu’une relation dans le sens du Reiyukai ? Quelle transformation avons-nous mes compagnes et moi à accomplir ? » J’ai organisé, au cœur de ce voyage, une réunion avec mes compagnes de pratique. Durant cette réunion, grâce à l’une de mes compagnes, j’ai vu que l’une des clés pour se transformer était d’accepter d’entendre l’Enseignement et de s’efforcer de le réaliser. J’ai vérifié que, lorsque la qualité profonde de notre esprit change, la réalité change. Pour la première fois, nous avons eu ma mère et moi un échange que, même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais jamais imaginé avoir. Je l’ai écoutée sans émotion et elle aussi m’a écoutée ce dont, à 83 ans, je la croyais incapable.
J’entends que progresser dans notre écoute et notre compréhension de cet Enseignement est une clé pour notre transformation et celle de notre réalité. Je souhaite stimuler en moi sans cesse le désir d’apprendre et mettre en action les paroles entendues. J’aspire vraiment à écouter de mieux en mieux et à me tourner vers le but vaste du Reiyukai, afin d’expérimenter, avec d’autres personnes, sa dimension et sa capacité de résoudre les causes profondes de notre existence.
Joëlle