Je m’appelle Marie-Noëlle, j’habite Vichy et j’ai rencontré le Reiyukai en 2012. Curieuse de découvrir cet enseignement, je suis touchée à la fois par le caractère vivant et concret de cette pratique de progrès avec les autres, et par le but d’œuvrer ensemble pour la paix. C’est ce que je recherche.
A cette époque, les liens familiaux sont coupés. J’entends que nous sommes reliés aux circonstances de notre vie par le lien à nos ancêtres, que nous ne leur sommes pas étrangers. J’entends également l’invitation à souhaiter le bonheur des autres en leur transmettant cet enseignement.
C’est le début d’un nouveau chemin…
Dans ma famille, nous sommes des affectifs, très touchés par ce que vivent les autres et nous voulons leur venir en aide. Mus par le besoin qu’on ait besoin de nous, nous répondons présents portés par un idéal très élevé, avec un sens aigu du devoir, quitte à abandonner ce que nous étions en train de faire. Si nous n’agissons pas ainsi, nous culpabilisons. Nous ne savons pas dire non et je vois de plus en plus que si nous disons toujours oui, c’est par peur d’être rejetés. Bien sûr, c’est aussi la preuve de grandes qualités : des qualités de présence, d’écoute, de générosité, d’altruisme, de disponibilité, qualités dont j’ai hérité en partie. J’ai en effet le sentiment que mon rôle est d’aider les êtres et les gens me parlent d’ailleurs très spontanément de leur histoire, de leur vie, dans la rue, dans une salle d’attente… Mais, aujourd’hui ce n’est pas de cette manière que je veux aider les autres parce que je vois bien que cette attitude est en partie erronée. Dans ma famille, nous croyons savoir ce qui est bon pour l’autre mais inconsciemment nous attendons quelque chose en retour et nous finissons par être insatisfaits. Cela crée un esprit critique et réactif.
Je pratique comme je suis, avec ce que j’ai en moi et je veux continuer à cultiver ce rôle d’aider mais libérée de mes conditionnements. Je pratique donc pour m’en délivrer en intégrant dans ma vie les ingrédients de l’Enseignement. On entend que chacun a un potentiel de progrès, que chacun est le résultat de la lignée ancestrale. On nous propose d’expérimenter la vérité de cet enseignement par des actions guidées par l’Enseignement, et de remettre en cause notre esprit, de développer notre cœur de bodhisattva en accompagnant les autres sur ce chemin. Lorsque nous agissons ainsi, la réalité bouge en dehors de notre volonté. Tout ce qui nous est envoyé est un message pour apprendre quelque chose et moi je souhaite apprendre.
Alors je fais ce qui m’est proposé même si quelquefois c’est difficile de sortir de ma zone de confort. Témoigner de mon expérience par exemple est un exercice difficile mais j’accepte de le faire pour les autres, et pour mon progrès. Je participe à des séminaires, quelquefois assez loin de chez moi, j’y prends un rôle actif, je me déplace chez mes compagnes, j’organise des réunions… Toutes ces actions me permettent souvent de mettre de côté mes réalités ordinaires et de développer des qualités de conscience nouvelles.
Je demande constamment, en récitant le Soutra, qu’il me soit possible d’accueillir des personnes pour partager ce chemin pour notre progrès mutuel et j’invite de nouvelles personnes à découvrir l’Enseignement ce qui m’effrayait auparavant. Des compagnes s’engagent sur ce chemin et je cherche à les accompagner en m’appuyant sur l’Enseignement. Elles aussi veulent « aider les autres ». Je vois leurs qualités et cela me donne envie de les développer chez moi. Grâce à elles, je recherche ce que c’est qu’aider vraiment quelqu’un. J’ai le souhait de créer des relations paisibles et de permettre à d’autres de le faire également. Cela commence par moi. Je sais bien que je ne peux pas sauver tous les êtres, mais j’ai le choix de tourner mon esprit vers l’Enseignement pour le progrès des autres et le mien. Je m’appuie sur la récitation régulière du Soutra pour chercher comment réaliser une telle humanité. Quand je vois mes tendances naturelles, celle par exemple d’intervenir dans les situations, et le fait que mes réactions ne sont pas adaptées (je le vois plus vite) je cherche comment mettre à la place une attitude plus juste. Je demande à pouvoir être inspirée par l’Enseignement.
J’essaie d’appliquer cet esprit dans ma famille, dans ma vie et cela a pour conséquence que le lien avec ma fille, par exemple, a beaucoup changé. Adolescente elle a eu un cancer, alors j’ai été longtemps une mère inquiète, j’avais peur qu’elle ne souffre. Bien qu’elle soit guérie, j’étais toujours là pour elle, dans n’importe quelles circonstances. Il suffisait qu’elle se plaigne et je volais à son secours. Ce n’était juste ni pour elle ni pour moi. Je constate qu’à chaque fois que je fais un pas dans la pratique, par exemple que j’accepte des actions difficiles pour moi d’habitude, elle aussi avance dans sa conscience. Un exemple : elle m’appelle pour venir me voir. Je suis fatiguée, tiraillée entre mes conceptions familiales et ma réalité, je ne lui dis ni oui ni non… Cela crée un malaise entre nous. Je demande à être guidée et j’appelle d’abord une amie qui me suggère des options très ordinaires qui ne sonnent pas juste. J’échange ensuite avec une aînée de pratique qui me parle de douceur et bienveillance pour elle et moi. Alors, je peux exprimer mes limites à ma fille avec un autre esprit et elle-même décide de ne pas venir, ayant pris conscience que se réfugier dans le cocon familial, c’est éviter de faire face à sa propre réalité. Ça, ce n’est pas ordinaire! Aujourd’hui, je ne réagis plus de la même façon, je me tais davantage, je n’interviens plus forcément et je la vois qui ouvre ses ailes, qui a de grandes prises de conscience, qui trouve des ressources inattendues. Elle m’a dit récemment : « Avant, quand je ressentais une émotion, mon premier réflexe était de t’appeler et ça amplifiait mon émotion et m’empêchait de faire face à la situation. » Je suis là autrement pour elle et elle m’en remercie. J’accepte de lâcher mon inquiétude, de ne pas m’occuper directement des phénomènes. Je m’en remets à l’Enseignement, je demande à être guidée en récitant le Soutra pour notre progrès mutuel, je me mets en lien avec les aînées et j’agis différemment. J’arrête de vouloir pour elle et ce n’est pas par ma volonté, mais avec l’aide du monde spirituel que cela se fait.
Avec une de mes belles-filles, j’ai vécu un épisode de rejet très fort. Lorsque nous nous sommes revues, j’ai demandé en récitant le Soutra à découvrir qui elle était et à pouvoir l’accepter. Un jour où je m’occupais de mes petites-filles, elle est arrivée sans s’être annoncée pour déjeuner. J’avais commencé à préparer le déjeuner et elle s’est mise à préparer un tout autre repas. Je me suis vue m’écarter tout de suite, sans aucune réaction intérieure, et je me suis entendue dire à mes petites filles : « Vous avez de la chance d’avoir une maman qui travaille et qui, en rentrant, prépare un repas pour vous ». Ce n’était pas du tout le reflet de mon activité mentale habituelle, j’ai été inspirée, ce n’était pas moi. Auparavant, j’aurais très mal vécu cette situation, j’aurais montré de la colère, réagi…
Par ailleurs, j’entretiens des relations de proximité très chaleureuses avec mon voisinage. Dans mon immeuble, nous faisons chacun à notre tour le ménage du palier et des escaliers. Un jour, je finis cette tâche et je vois aussitôt ma voisine se mettre à tout recommencer. Cela m’agace, surtout que ce n’est pas la première fois. Mais soucieuse de ne pas créer la zizanie, je m’installe devant l’autel de mes ancêtres et je demande à voir ce que j’ai à apprendre. J’appelle une aînée qui me rappelle l’Enseignement, le fait que cette femme est le résultat de ses ancêtres, que ce n’est pas contre moi, qu’elle fait ce qu’elle croit juste… Une fois calmée, je sonne à la porte de ma voisine et je lui dis : « je sais que pour toi la propreté c’est très important, mais quand tu passes juste derrière le travail que je viens de finir, je me sens heurtée parce que je crois que tu le trouves mal fait » Elle me saute au cou, m’assurant qu’elle n’a pas vu, que dans la clinique où elle travaille elle est connue par les soignants pour ce comportement justement. On finit en plaisantant avec son mari. J’accepte que, si ce type de situation m’est encore envoyé de temps en temps, c’est que j’ai quelque chose à en apprendre et je constate que ce n’est plus une souffrance.
A travers ces expériences, je vois les limites de l’affectif, son caractère négatif pour le progrès des autres et de soi. Avec une « bonne intention », on produit parfois des résultats négatifs. En se reliant à une autre conscience, on crée des relations différentes et plus justes. Je suis pleine de gratitude et de reconnaissance pour les aînés qui m’encouragent sur ce chemin.