La reconnaissance est une des notions clés du bouddhisme. Quelles significations cette notion revêt-elle ? C’est la recherche dont Cécile nous fait part dans cet article
La naissance d’un sentiment nouveau : la reconnaissance
Quand j’ai commencé à pratiquer, à vingt-deux ans, j’ai ressenti que je n’avais pas assez de reconnaissance pour mes parents. Je me suis alors tournée vers eux avec un œil neuf. Je les ai remerciés de m’avoir élevée, nourrie, éduquée. Je les ai vus comme des êtres humains, ayant fait du mieux qu’ils pouvaient. C’était ma première expérience et le premier aperçu d’un esprit de reconnaissance.
La reconnaissance, c’est un terme qu’on entend, qu’on lit dans les soutras mais son sens devient de plus en profond au fur et à mesure de notre pratique, c’est un mot, une notion importante. Lors de ses venues en France, notre aîné japonais, Mr Shinoda père nous demandait : « Est-ce que vous avez de la reconnaissance pour vos ancêtres, pour votre pays ? Vous avez la chance de vivre dans un pays sans tremblement de terre ni typhon ! Vous vivez dans un pays développé ! Vous avez un système social pour lequel vos ancêtres se sont battus !» Tous ces bienfaits nous semblaient normaux. Nous n’avions aucune conscience du type de reconnaissance qu’il nous invitait à développer.
Au moment du départ de mon père pour le monde spirituel, j’ai récité le Soutra à son chevet et je lui ai exprimé combien il avait été un bon père pour moi. Après son départ, j’ai lu- selon la tradition bouddhiste -le Soutra pour lui pendant quarante-neuf jours et je voyais que la reconnaissance que j’éprouvais pour lui était ordinaire, qu’il devait exister une qualité de reconnaissance plus profonde.
J’ai demandé devant mon autel quelle était cette reconnaissance que nous devions à nos ancêtres, et pourquoi elle était si importante. Il m’a alors été permis de ressentir à quel point c’était une chance extraordinaire d’être en vie. Je l’ai éprouvé physiquement ! J’ai ressenti un bonheur immense d’être vivante, grâce à mes ancêtres, et de pouvoir agir pour eux ainsi que d’accomplir mon rôle de bodhisattva dans cette vie.
Aujourd’hui, cette conscience ne m’habite pas constamment, mais elle a complètement nettoyé la dépression et les idées suicidaires qui m’habitaient depuis de nombreuses années.
Un jour, j’ai entendu : « C’est bien d’être reconnaissant pour tout ce qu’on a reçu, pour ce dont on bénéficie, pour le fait d’avoir eu la chance de rencontrer cet enseignement merveilleux. Il faut être reconnaissant des bonnes conditions de vie qui sont les nôtres. Mais il faut également être reconnaissant des épreuves que nous traversons durant notre existence. » Mme Nakabayashi, une grande pratiquante japonaise que nous avons reçue l’an dernier, nous a fait part de son expérience ainsi : « Toutes mes grandes épreuves m’ont construite et ont fait de moi la femme que je suis devenue. Elles ont ouvert ma conscience, ont créé en moi de la confiance et de la compassion pour les souffrances de mes compagnons. J’ai acquis une manière de comprendre le monde, les êtres humains. Mes souffrances sont mes plus grands trésors » A travers elle, j’ai mieux perçu, mieux accepté cet encouragement à développer de la reconnaissance pour toutes les épreuves que nous traversons. Certains de mes compagnons ont réalisé ce type de reconnaissance : je les ai accompagnés comme j’ai pu dans leur vie de jeunes parents d’une enfant handicapée. Cet événement difficile les a fait grandir dans leur humanité, dans leur conscience. Cette enfant qui est devenue une belle jeune femme heureuse, a été un véritable moteur. Aujourd’hui, cette relation avec leur fille est pour eux un sujet de profonde reconnaissance.
J’ai reçu de merveilleux compagnons ; certains m’agacent, mais je leur suis très reconnaissante de me donner l’occasion de me remettre en cause. Développons de la reconnaissance à l’égard de tous les êtres que nous croisons sur notre route.
Cécile