Je rencontre l’Enseignement du bouddhisme de l’Amitié Spirituelle en 2007. Cela correspond alors à mon envie de changement. Avec le recul je vois que toutes ces années de pratique m’ont permis d’atténuer ma réactivité, mes colères, mes attentes, et mes conceptions. C’est un vrai chemin de persévérance et de courage.
Une des clés entendues est le partage de l’Enseignement avec les compagnons. Je reçois très vite quelques compagnes mais comme elles n’entendent pas vraiment le sujet de la transformation, elles arrêtent et je vois que j’ai à remettre mon esprit de pratique en cause. Nous sommes en effet un petit groupe d’amies et, comme j’entame ma retraite, leur présence m’aide à vivre ce changement de situation mais notre sujet n’est pas vraiment de réaliser l’Enseignement. Néanmoins grâce à elles, je commence à développer de la bienveillance et de l’écoute.
Une autre clé est l’importance de la relation avec l’aîné·e. Or j’ai une relation très conflictuelle avec mon aînée. J’accepte de me remettre en cause. J’exprime, lors des récitations de soutras, mon regret de cette attitude rétive à son égard et le souhait de notre progrès mutuel. Je récite en particulier le Soutra de la pleine conscience selon la méthode du bodhisattva Vertu Universelle pour nettoyer mes sens comme ce soutra nous y invite. Peu à peu je perçois ma part de responsabilité dans cette relation et un sentiment de reconnaissance naît pour celle grâce à qui j’ai accès à cet enseignement.
Suite à l’arrêt de mes premiers compagnons, je pose des questions : « Qu’est-ce qu’accompagner quelqu’un sur ce chemin ? Qu’est-ce qu’avoir le cœur du progrès des autres » ? Je cherche à mieux entendre l’Enseignement et de nouvelles personnes, qui ne font pas partie de mon cercle d’amis, me rejoignent. Grâce à elles je vérifie que le progrès des un·e·s et des autres est très lié au lien entre aîné·e, compagnes et compagnons. Je suis constante dans ma relation avec mon aînée afin d’éclaircir ce qui apparaît dans le lien avec mes compagnons et de voir avec elle quelles sont les pistes de recherche, de transformation. J’essaie de relier ce que j’entends de mes compagnons à l’un des enseignements et je deviens plus ferme dans l’accompagnement.
Une de mes compagnes tourne en rond, depuis un certain temps, dans sa relation avec son compagnon de vie parce qu’il ne correspond pas à ses attentes. Elle se coupe de plus en plus de la pratique et récite le Soutra toute seule un peu comme une prière. Insatisfaite, un jour elle retire la plaquette qui avait été écrite pour ses ancêtres et ceux de son compagnon de vie. J’en parle lors d’une réunion des animateurs et j’entends que c’est à moi de me transformer, que, ce que tout le monde me dit depuis un certain temps, je n’entends pas l’Enseignement. Mais je n’arrive pas à trouver de quelle transformation il s’agit. Je m’adresse donc à une grande aînée qui me conseille de déposer cette interrogation devant mon autel, de regretter mon esprit un peu rebelle et d’adopter une attitude curieuse de découvrir, d’observer ce qui se passe et de voir ce que j’ai à apprendre.
Le week-end suivant je rejoins un groupe de personnes avec qui je marche depuis bientôt 10 ans, et nous nous perdons. Dans ce type de situation, la plupart du temps je me mets en retrait et j’ai de la colère rentrée car j’ai le sentiment que personne ne m’écoute. Ce jour-là, grâce à cet esprit que j’avais pris avant de partir, je constate effectivement que mes compagnons de marche n’entendent pas ce que je dis mais je vois surtout qu’ils ne font pas exprès : ils sont rattrapés eux-mêmes par leurs conceptions et ce n’est pas contre moi. Alors je prends ma place parce que j’ai quand même quelques connaissances sur la lecture de cartes et j’accepte de guider le groupe. Et lorsque nous sommes en désaccord, j’écoute et je suis le mouvement même si je sais que ce n’est pas le bon chemin. Je n’insiste pas et je remets mon esprit en cause.
Quelque temps plus tard j’ouvre ma maison pour une réunion de découverte et cette compagne qui ne participait plus du tout aux réunions est présente. Elle participe activement et, suite à ça, elle et son compagnon de vie décident de créer un lieu commun pour leur autel. Tout n’est pas résolu dans cette réalité mais ce que je vois c’est que le mouvement de l’esprit que j’ai initié a eu des répercussions pour elle.
La deuxième expérience concerne une autre compagne de pratique qui, comme moi, a des difficultés à entendre l’Enseignement. Elle s’attache beaucoup aux phénomènes émotionnels, à ses points de vue idéologiques, politiques. Souvent quand nous nous retrouvons pour pratiquer, nous parlons de tout et bien peu de l’Enseignement. Mon aînée me conseille de m’en tenir à l’Enseignement et de ne pas entrer dans les discussions. La rencontre suivante avec ma compagne est différente. Je l’écoute et j’essaie de pointer, dans ses propos, les conceptions héritées de ses ancêtres ou de la loi de cause à effet sans entrer du tout dans des discussions. Cette attitude la déstabilise profondément, elle me croit fâchée. Je lui assure que non mais je reste ferme. Quelque temps plus tard son compagnon de pratique et de vie exprime qu’il réalise pour la première fois qu’elle est son aînée. Là aussi je constate les effets de la remise en cause de ma pratique pour mes compagnons.
J’ai souvent entendu dire que nos compagnons représentaient l’état de nos ancêtres. Ça a longtemps été incompréhensible pour moi. Aujourd’hui je vois effectivement de plus en plus que je porte par exemple l’inertie de telle compagne, l’orgueil de telle autre, celui de mes ancêtres… Ma vision de la réalité s’affûte peu à peu. En conclusion j’expérimente ce que j’entends, à savoir que le lien aux compagnons et à notre aînée est source de transformation. Des conditionnements ancestraux s’allègent, je suis moins sur la défensive, plus disponible aux autres. J’ai aussi vérifié récemment, lors de rencontres avec des amis, que j’accueille plus facilement la réalité de l’autre. Une reconnaissance nouvelle s’installe en moi.
Marie Thérèse J