Je suis devenue membre du Reiyukai à dix-huit ans grâce à Claudette qui avait été ma professeure de Français. Adulte, je l’ai revue un an après avoir repris mes études. Elle m’a invitée à passer chez elle. A cette époque, je vivais avec deux amies en colocation. Le soir même, alors que je lui écrivais une grande lettre pour lui exprimer mes états et ma vie. Au moment où je timbrais l’enveloppe, une de mes amies et moi nous sommes disputées et je suis retournée vivre chez mes parents. Ce fut ma première expérience de pratique.
Ce qui m’a plu dans l’Enseignement, c’est d’entendre qu’il est possible d’agir pour les membres décédés de notre famille. Cela m’a énormément touchée. Très vite, je me suis impliquée dans le Groupe des Jeunes. J’ai construit une famille de pratique. J’ai rencontré Éric, mon ami, mon compagnon de pratique, mon mari, le père de mes enfants. Nous avons eu une belle vie, acheté une maison avec un immense jardin, à l’image de notre métier de jardiniers paysagistes. Je pense que j’ai énormément progressé pendant toutes ces années sans bien m’en rendre compte.
Quand je suis rentrée chez mes parents après ma première réunion, je leur ai dit que je réciterais le Soutra tous les jours. Et c’est ce que j’ai fait durant ces trente-cinq dernières années. Je prends soin de l’autel familial de la maison. Il est toujours fleuri. Il m’arrive de faire des offrandes, des petits plateaux repas, en me disant que, là où ils sont, ils ne manqueront de rien. Tous les jours, j’exprime devant l’autel, avec humilité et docilité, le souhait de pouvoir développer de la reconnaissance pour mes ancêtres, le souhait de leurs progrès, celui du progrès de mes compagnons et de notre Cercle de partage, celui des membres de leurs familles, celui de mes collègues de travail, de mes élèves, de notre milieu, sa faune et sa flore.
Peu à peu, une conscience très simple, très claire s’est créée, celle que mon état de vie est vraiment interdépendant du monde spirituel et du lien avec mes ancêtres. Si, un matin, je me lève traversée d’états tels que la tristesse, la colère, ou la gaieté, j’ai conscience que je ne suis pas toute seule dans ma bulle et que je suis reliée par tous ces liens aussi bien terrestres qu’invisibles. Devant mon autel, je m’excuse de ces états, des attentes affectives, des angoisses, des peurs etc. J’ai la conscience que mes ancêtres eux aussi les ressentent, là où ils sont. Je garde en tête deux images : la première date d’un séjour au Japon quand j’avais vingt-cinq ans. Je suis sur une montagne, mes ancêtres sont dans la vallée et ils entendent le Soutra grâce à moi. La seconde, celle de mes ancêtres qui, à mon autel, tous les matins, attendent d’entendre le Soutra. Je sais que si nous ne récitons pas, ce n’est pas grave, car la rancœur n’existe pas dans le monde spirituel. Nos ancêtres seront toujours là. Donc, parfois le matin, je me dépêche car ils m’attendent. Chaque jour, quand je suis devant l’autel, j’ai le sentiment d’ouvrir les portes à une grande assemblée : j’imagine tous les bouddhas, les éveillés, et mes ancêtres. Ils sont dans l’assemblée avec moi. Je lis le Soutra autant pour eux que pour moi. Pendant la récitation, toutes sortes de choses me traversent et, parfois, je sens la présence de mon mari, le père de mes enfants, décédé depuis cinq ans. Je lui exprime toute ma reconnaissance et ma gratitude. Grâce à notre maison familiale et à tout ce qu’il a créé dans le jardin, nous avons accueilli deux cents personnes cet été pour la journée de la Branche Soulard.
Je me suis interrogée sur ce qui crée mon bonheur. Pour moi, c’est quand je suis en relation avec les autres et que je réalise ma pratique de boddhisattva. Je connais bien les états qui nous emprisonnent, faits d’attentes insatisfaites et de griefs. Mais, depuis le début de l’année, je me suis déterminée à me transformer. Des compagnons me disent que j’ai déjà beaucoup changé. Je pense qu’il ne faut jamais s’arrêter. Ce n’est pas nous qui décidons de nos vies et de celle de nos proches et tout cela a un sens.
Je récite tous les jours le Soutra bleu ainsi que le chapitre 25 et je demande protection, sécurité. J’ai la conscience que, lorsque je me relie aux éveillés, je crée un lien avec eux, je me mets sous leur protection. Je souhaite vraiment être à leur image. Il nous appartient de rendre ces liens vivants. Cette intention, je la mets aussi pour mes enfants et les membres de notre Cercle de partage. Je suis fière de ce qu’ils deviennent. Je réalise de plus en plus que, grâce à eux, il m’est permis « de » : d’écrire des noms de Dharma par exemple. J’observe mes compagnons, je suis très attentive à les respecter, à ne pas les juger, à ne pas m’agacer parce que ce sont des fonctionnements que je connais très bien et qui ont des effets négatifs. La seule chose que nous ayons à faire, c’est de nous relier à l’Enseignement. Je pense que je suis née pour cela, j’ai perdu beaucoup de temps dans des attentes affectives, dans de la colère notamment quand Éric est parti. Cette année, grâce à Claudette, j’ai repris un rôle et une responsabilité dans le Reiyukai France et j’en suis heureuse.
Sylvie