Les raisons pour lesquelles on choisit une profession sont multiples, centres d’intérêt, compétences… C’est une motivation plus profonde qui a poussé Larissa à devenir « famille d’accueil ». Elle nous raconte cette toute nouvelle expérience…
Qu’est-ce qui a motivé ton choix pour cette activité professionnelle ?
J’ai grandi dans un milieu familial violent.Grâce à l’amour et au soutien de mes grands-parents, de mes oncles et tantes, j’ai trouvé un sens à ma vie. Cette enfance particulière est à l’origine sans doute de ce souhait d’accompagner un enfant, pour le soutenir malgré les difficultés familiales.
J’ai d’abord travaillé en tant qu’aide médico-psychologique auprès d’adultes handicapés. Puis j’ai décidé de quitter l’institution dans laquelle je travaillais : l’épuisement du personnel, le manque de projets me faisaient souffrir et j’aspirais à trouver un travail qui ait une dimension humaine large, à me sentir utile au progrès de notre société. J’avais envie de m’ouvrir à de nouvelles rencontres et expériences. Suite à un congé de formation d’un an, qui m’a permis de prendre le recul nécessaire, j’ai ressenti le besoin d’aller vers le métier d’assistante familiale.
J’ai reçu un soutien extraordinaire de ma famille, tout le monde a participé à l’élaboration de ce projet. Ma belle-famille a participé aux travaux de la maison pour que l’on puisse obtenir l’agrément, mon conjoint, et ma fille aux entretiens. Cela a été un réel soutien. Un grand souhait de mener ce projet ensemble nous a unis durant toute cette année 2012- 2013. En octobre 2013, nous avons accueilli R. un petit garçon âgé de 7 ans.
La réalité de ce métier a-t-elle été conforme à ce que tu attendais ?
Non, la réalité m’a vite mise face à mes limites. J’ai vu mon cœur dur, froid face aux attitudes colériques de ce petit garçon. J’avais beaucoup d’attentes, je cherchais à maîtriser, contrôler les choses et là R… dérapait : à l’école il tapait ses camarades, était insolent, à la maison il faisait des crises…Bref, il y avait tous les éléments pour me déranger! La colère a fini par m’envahir. Je sentais monter en moi une violence que j’ignorais et qui me faisait horreur ! Comment alors ne pas reconnaître le lien à mes parents et celui qui m’unissait à mes compagnons de pratique à qui je reprochais souvent ces mêmes attitudes ?
L’ambiance familiale s’en ressentait. Ma fille était très affectée, triste, en colère et ne voulait plus que nous accueillions ce petit garçon. Je culpabilisais alors de la mettre face à une telle réalité. Je n’y arrivais pas, j’étais mal et déçue ; je devenais agressive dans mes propos et faisait des reproches à mon conjoint. Le fait que mon travail se situe à mon domicile engendrait des attentes fortes vis-à-vis de lui, alors qu’il ne pouvait rien y faire.
Dans quelle mesure as-tu mis en œuvre, dans la relation avec ce petit garçon, le souhait de transformation que l’enseignement du Reiyukai invite à développer ?
J’ai vite du admettre que, sans cœur de progrès pour ce petit garçon, le projet était voué à l’échec. Face à cette situation, je me suis rappelé un enseignement entendu lors de réunions « La réalité est juste quelle qu’elle soit. » J’ai accepté d’être en lien avec cette violence, de regarder ce que j’avais à transformer. J’ai regretté avec sincérité la froideur de mon cœur et souhaité développer pour les autres, mes proches, mes compagnons de pratique et pour ce petit garçon les qualités indispensables à leur progrès. Très vite R s’est apaisé et épanoui. Grâce à ce cœur nouveau, j’ai mieux perçu quelle était sa réalité, d’où il venait et ressenti qu’il ne pouvait pas agir autrement…Ma lecture du Soutra s’est transformée : je l’ai offerte aux ancêtres de R…, à sa famille paternelle et maternelle, je me suis engagée devant eux et le monde spirituel à rechercher ce qu’est le cœur de progrès que l’Enseignement du Reiyukai nous invite à découvrir. J’y ai été encouragée par une expérience peu ordinaire. Alors qu’une de mes aînées était venue lire le Soutra avec moi, elle a été très étonnée de m’entendre prononcer le nom de famille de R. En effet, son arrière grand-mère portait le même patronyme ! Et les similitudes ne s’arrêtaient pas là ! En effet, cette arrière grand-mère avait t été séparée de sa famille suite à la mort de sa maman et placée chez des agriculteurs odieux qui la faisait travailler aux champs, et garder les vaches, alors qu’elle n’avait que 6 ans.
R. lui aussi subit depuis l’âge de 3 ans un placement qui le coupe de sa famille. Là encore, comment ne pas croire à la vérité de l’interrelation ?
Quels effets cela a-t-il produit pour toi, pour cet enfant ?
Ce cœur de progrès pour R… est en train de naître, j’apprends à développer de la paix en moi, même si les situations m’énervent, m’agacent ou me déçoivent parfois. J’apprends petit à petit à être ferme mais calme, à mettre de côté les émotions, à ne pas laisser monter la colère, la déception, le jugement, à regarder la réalité avec neutralité. Lorsque mon cœur froid reprend le dessus, je ne me décourage pas. Je regrette, je corrige mon esprit. Je vois que c’est possible d’accompagner R avec un tout autre esprit, un cœur plus doux, plus sincère tourné vers son progrès….Il le ressent et bénéficie de cette attention bienveillante et de cette empathie. Il se pose, se calme, fait preuve de reconnaissance. Des échanges profonds nous rapprochent, l’aident à se construire car une relation authentique naît entre nous. Nous nous engageons mutuellement à agir calmement, et il ne se sent plus tout seul dans l’apprentissage de la vie. Nous apprenons ensemble, il ressent mon engagement à vouloir grandir moi aussi sur ce chemin. Ses changements me touchent bien entendu, je découvre un autre petit garçon, capable de douceur, de sincérité dans les liens, et ça fait du bien à tout le monde. Il peut prendre du plaisir à écrire son alphabet, ses chiffres, une confiance en lui nouvelle s’installe.
Ma fille grandit elle aussi beaucoup dans ce projet, est capable d’accueillir les difficultés de R… avec moins d’émotions. Elle se sent plus à l’aise et partage avec nous des sujets profonds qui l’aident elle aussi, je pense, à construire sa réflexion autrement. Elle m’exprime beaucoup d’amour et de reconnaissance, ce qui m’encourage au quotidien. Mon conjoint est également très présent, il apprend lui aussi à agir dans le calme avec R. Notre couple se transforme. Nous communiquons différemment, sans tabou, colère ni gêne, animé chacun par le progrès de l’autre !
Cette expérience conforte ma confiance dans le potentiel de progrès de tout être humain. Alors peu importe le temps qu’il faudra, le bonheur n’est pas une destination en soi, on le touche chaque jour, selon la façon dont on voyage !!!
Larissa