Le bouddhisme Reiyukai, c’est le bouddhisme de l’Amitié Spirituelle. On nous encourage donc à développer des relations d’amitié spirituelle avec nos compagnons en particulier et avec les gens qui nous entourent. Mais quelle est la spécificité de l’amitié spirituelle ?
La relation qui s’est créée avec Pierre-Arthur, mon premier compagnon de pratique me semble illustrer ce sujet. Nous étions ensemble en classe préparatoire et j’ai invité des personnes avec qui je voulais être en lien à une soirée du Nouvel An. C’est à cette occasion que nous nous sommes rencontrés. Le tempérament de Pierre-Arthur, son énergie, ses idées bien arrêtées me faisaient un peu peur. Ce n’est pas quelqu’un vers qui je serais allé spontanément. Mais j’ai découvert à cette occasion son enthousiasme, ses qualités et je lui ai proposé la pratique à un moment où j’ai constaté que nos discussions tournaient en rond et que je ne savais pas quoi faire. Quand nous étions en école d’ingénieur, des camarades de promotion s’étonnaient que nous soyons amis. Pour eux, c’était impossible, impensable. « Vous êtes opposés dans votre façon de faire, de vous exprimer », me disaient-ils.
Récemment, j’ai vérifié que notre lien va bien au-delà de ces détails. Pierre-Arthur a passé une année au Japon et il y a vécu des expériences de pratique intenses : beaucoup de prises de conscience en lien avec sa famille, avec la qualité de la reconnaissance dans les liens, etc. De retour en France, il était donc censé s’exprimer lors de la dernière réunion trimestrielle à Paris et il en était très content. Mais, quelques jours avant la réunion, il se rend compte que son stage à Saint-Nazaire commence avant la réunion et qu’il ne pourra pas y assister. Il avait pourtant connaissance de ces informations depuis trois mois. Cela remettait en cause son intervention. Quand Pierre-Arthur m’annonce cette nouvelle, je vois tout de suite à quel point nous sommes proches. Je me rappelle d’expériences similaires. Cela me permet immédiatement de ne pas paniquer, de ne pas être dans le jugement mais de me dire : « Ah bien voilà, je reconnais un aspect de moi. C’est vraiment mon sujet de pratique ». « Je me sens vraiment très proche de toi. J’ai des expériences semblables à la tienne », lui dis-je. Nous échangeons : il se sent tellement coupable qu’il envisage de prendre un TGV pour rentrer plus tôt le vendredi afin d’essayer d’être présent, alors qu’objectivement ce n’est pas possible. Je l’encourage à ne pas être ordinaire mais à construire petit à petit des capacités nouvelles.
Je pense que c’est une attitude que je n’aurais pas eue auparavant. C’est simple et fluide en fait. J’ai un cœur différent : il m’annonce ça, je reconnais que cela fait partie de mon chemin de progrès, j’ai envie de rechercher comment on va construire et progresser ensemble…
Finalement, c’est un peu ça pour moi, développer une amitié spirituelle : c’est un lien très concret quand deux personnes prennent ensemble ce sujet de leur progrès mutuel. Aussi, face à tel ou tel événement, au lieu de réagir : « Ben non, ce n’est pas cool, ce n’est pas ce que j’avais prévu, ou alors chouette, c’est une super nouvelle ! », on l’accueille comme un sujet pour avancer et pour progresser ensemble. C’est une attitude que j’essaye d’adopter avec tous les gens qui m’entourent. Je me tourne vers le progrès des autres et vers le mien. On ne choisit pas les gens avec qui on développe une amitié spirituelle, pas plus qu’on ne choisit son aîné ou les gens dans une réunion ou dans un séminaire. C’est une belle qualité que j’encourage chacun à développer.