LA SOCIÉTÉ

Construire sa vie professionnelle en pratiquant les enseignements du soûtra du lotus

Marc exerce la profession de chirurgien-dentiste. Il a rencontré le bouddhisme de lAmitié Spirituelle alors quil était un tout jeune homme et cette rencontre a été déterminante pour le cours de son existence, notamment professionnelle.

 

En quoi cet enseignement a-t-il modifié ton parcours ?

J’avais dix huit ans quand j’ai rencontré le bouddhisme de l’Amitié Spirituelle, et j'étais sorti  du système scolaire. Après quelques mois de pratique, j'ai décidé de repasser le bac et redécouvert mon projet d'enfance : devenir médecin. Après plusieurs années passées à m’amuser, sans projet personnel, il me fallut une grande détermination et de grands efforts pour m'astreindre à ingurgiter la somme de connaissances nécessaires à la réussite du concours. Quelques semaines avant les examens, je décidais de m'autoriser une entorse à mon programme de révision, pour participer au séminaire national du bouddhisme de l’Amitié Spirituelle, accompagné de trois nouvelles personnes. Lors de la récitation du Soûtra du dimanche matin, une idée s'est imposée à mon esprit, comme écrite avec une encre indélébile..."aorte abdominale". À l’examen, je fus abasourdi de lire qu'une des questions d'anatomie portait sur les dérivés abdominaux de l'aorte. Cependant, mon classement ne me permit pas d’intégrer la 2ème année de médecine et c’est ainsi que je me suis retrouvé à l'école dentaire.

 

Ton métier te passionne, pourrais-tu nous en parler ?

Cela fait plus de vingt ans que j'exerce la profession de chirurgien-dentiste et l'adjectif qui caractérise le plus ce métier est le mot exigeant. C'est à la fois un métier de relation, de diagnostic, de décision, de précision, et on est aussi responsable d'une très petite entreprise.
Quand on soigne un patient, c'est une sorte de valse. Deux partenaires qui doivent suivre un tempo, se comprendre et se respecter. Sauf que l'un des deux a les mains dans la bouche de l'autre. La partie la plus difficile du métier n'est pas ce que l'on croit. Même pour un gars comme moi qui se sentait totalement handicapé de ses mains, on peut apprendre et découvrir du plaisir à travailler avec précision. Les mains ont une mémoire et on peut les éduquer. La partie la plus difficile du travail, c'est la gestion de son stress et la prise en charge des angoisses des patients. Selon son état émotionnel, sa disponibilité pour aider le patient, la distance que l'on instaure avec lui, on va être capable de le rassurer, de lui donner des pistes pour qu'il prenne en charge ses propres inquiétudes; ou bien on va se transformer en éponge et absorber toutes ces émotions, ses appels "au secours", incapable de l'aider, son stress va s'ajouter au nôtre, et tout cela génère des idées très négatives et épuise le praticien. Parfois je sens dans ces moments-là que mon esprit vacille.

 

Comment ta pratique du bouddhisme de lAmitié Spirituelle a-t-elle influencé et enrichi ta pratique professionnelle ?

J'ai appris en pratiquant que distance – celle dont je parle précédemment - ne veut pas dire indifférence, et dans la relation avec mes amis de pratique j'ai découvert que la distance est un espace dans lequel peut se développer notre humanité. Avec les patients c'est le même travail. Quand je garde cette distance, je peux développer de la bienveillance c'est à dire tout faire pour les aider à gérer leurs inquiétudes, avoir les mots et les gestes qui rassurent.

Grâce à la pratique du bouddhisme de l’Amitié Spirituelle, j'ai aussi pris conscience que mes yeux sont discriminatoires et certains de mes amis de pratique m'ont obligé à faire la pratique du bodhisattva Jamais Méprisant. Ce travail d'ouverture m'a beaucoup aidé dans les relations avec mes patients. Ils méritent tous mon attention.

Quand je reçois un patient qui souffre (et les dents ça peut être terrible !), j'essaie d'être le plus compréhensif par rapport à cet état de souffrance. Au delà du geste et de la prescription qui apaise, c'est mon attitude de cœur qui peut apaiser cet état de souffrance. 

Tu évoquais au début lidée dune petite entreprise. Quen est-il de la relation avec tes collaboratrices ?

Je travaille avec trois assistantes, très différentes, qui m’ont chacune beaucoup appris sur moi et permis d’évoluer. Nous formons une équipe très soudée, très solidaire, une véritable famille dont tous les membres se respectent. L’une de mes assistantes est devenue une amie spirituelle et notre relation au sein du travail a été une source de transformations pour moi. Je plaisante parfois en disant qu'elle pourrait m'envoyer une note d'honoraires si elle réalisait tout ce que j'ai appris grâce à elle. Malgré mes encouragements, il lui est difficile de pratiquer régulièrement faisant face à ses obstacles et à ses résistances.  Comme elle est mon amie de pratique, je m’applique le principe de réalité des liens – ils ont tous une cause et un sens -, ce qui m’éclaire sur mes fonctionnements profonds et me permet de me transformer. Récemment, elle a décidé de revenir réciter le Soûtra régulièrement chez moi et m'a demandé de l'aider à pratiquer !

 

Quel regard portes-tu sur ton métier aujourdhui ?

Quand on est soignant on peut rester dans sa tour d'ivoire et s'illusionner avec son titre et ses connaissances, mais en pratiquant le bouddhisme de l’Amitié Spirituelle, j'ai appris que le progrès dans les liens c'est dans ma vie de tous les jours. Mes patients m'ont tout appris. Ils m'ont poussé dans mes retranchements, j'ai été obligé de me remettre en question techniquement et humainement, j'ai appris la franchise et l'humilité.

Il y a quelques années je rêvais de pouvoir prendre ma retraite le plus jeune possible. Maintenant que j'accepte cette "mission" de soulager, d'apporter à mes patients apaisement et confort, j'espère exercer cette belle profession le plus longtemps possible.