Le Sangha est le 3ème des « Trois Joyaux », dans lesquels prennent refuge les pratiquants bouddhistes. C’est l’ensemble des personnes qui, depuis l’extinction du Bouddha, aspirent à la vertu et à l’harmonie de l’état de Bouddha et suivent son enseignement comme moyen de transformation. Selon son engagement, son statut, son niveau de réalisation, il peut s’agir d’un sangha monastique ou d’un sangha laïque, d’un sangha ordinaire ou supérieur. Mais toute personne qui prend refuge dans l’enseignement du Bouddha et qui s’engage dans la voie du Bouddha est, au sens large du terme, un membre du Sangha. Notons toutefois que le Sangha dont il est question dans les « Trois Joyaux » représente les personnes qui ont accédé à un certain état d’expérience et de compréhension de l’éveil.
Les premiers disciples
A l’époque du « bouddhisme des origines », la seule manière de s’impliquer dans la pratique d’une voie spirituelle est de renoncer à la vie de famille et de rejoindre un groupe de disciples. Toute personne – et pas seulement les membres de la caste des brahmins (religieux) – qui abandonne son foyer dans le but de rechercher la vérité religieuse ou philosophique, se voit accorder le statut de « renonçant ». Il devient ce qu’on appelle dans les soutras un sramanera, un ermite ou moine mendiant. C’est une pratique méritoire pour les laïcs que de lui faire l’aumône et de le nourrir s’il le demande. Shakyamuni, de la caste des kshatriyas (guerriers), se joint à un groupe de sramaneras quand il quitte son palais. Après son éveil, le Bouddha retrouve cinq des membres de ce groupe et commence la transmission de son enseignement par la doctrine des Quatre Nobles Vérités et du Chemin Octuple, posant ainsi les bases du premier Sangha. Au fil des années de prédication, le Sangha se constitue sous forme de différents groupes de moines (les bikshus) et de nonnes (les bikshunis) qui opèrent indépendamment les uns des autres selon des règles d’organisation et de conduite particulières.
Si quelqu’un décide de consacrer sa vie à la pratique, il devient membre de l’un de ces groupes. Celui qui aspire à devenir moine choisit un autre moine pour maître qui, s’il accepte, prend soin du novice toute sa vie et devient son maître d’initiation. Au cours d’une cérémonie particulière, celle « des trois maîtres et sept témoins », empreinte de solennité, le novice reçoit deux autres maîtres « le maître de cérémonie » et le « maître-enseignant » qui transmettent les règles de base de la pratique bouddhiste. Sept autres moines, les «témoins», complètent cette « famille d’initiation ».
Ceux qui ne se sentent pas capables de devenir des « renonçants » soutiennent le Sangha et protègent les enseignements du Bouddha durant leur vie de laïcs. On les appelle les upasakas et upasikas (hommes et femmes laïques). Ils ont accès aux enseignements du Bouddha par le biais des moines qui les retransmettent.
Le bouddhisme Theravada
Cette organisation du Sangha s’est conservée dans le bouddhisme Theravada ou Doctrine des Anciens (ancien signifiant un moine ayant au moins 10 ans de pratique). Cette branche qui se diffuse vers l’Asie du Sud-Est, au Sri Lanka, en Birmanie, au Cambodge, en Thaïlande, au Laos et dans une partie du Vietnam, constitue l’une des deux grandes lignées du bouddhisme. Basé sur la doctrine des Quatre Nobles Vérités, l’enseignement du bouddhisme Theravada – qui prend donc forme du vivant du Bouddha ou au moins du vivant de ses disciples directs – préconise le détachement du monde ordinaire, si possible par l’engagement dans la vie monastique. Le but est, grâce à la maîtrise des passions, de mettre fin à la croyance dans le moi individuel et d’atteindre le nirvana. Leur idéal est de devenir des arhats, détachés du monde et libérés du cycle des renaissances. Les disciples de ce Véhicule, les « auditeurs », pensent ne jamais pouvoir atteindre l’état du Bouddha, leur maître, même si ce dernier leur a transmis l’enseignement qui permet la libération.
Le Grand Véhicule : une révolution
Le bouddhisme du Grand Véhicule ou Mahayana, né en Inde au début de l’ère chrétienne, bouleverse cette vision. Il affirme que tous les êtres peuvent atteindre l’éveil du Bouddha. C’est le bouddhisme « du Nord », celui de la Chine (dès le 1er siècle), du Japon (6ème siècle), de la Corée et du Vietnam. Les soutras du Grand Véhicule et en particulier le Soutra du Lotus – sur lequel se fonde l’immense majorité du bouddhisme asiatique – insistent sur le caractère provisoire et circonstanciel des enseignements de base du Theravada. Ce Véhicule est d’ailleurs nommé Petit Véhicule ou Hinayana dans les textes mahayanistes, qui considèrent que ses enseignements sont de simples moyens habiles pour engager sur la voie de la libération des êtres aux aspirations étroites ou naissantes. Dans les soutras du Grand Véhicule, on apprend aussi l’existence d’autres bouddhas dans d’autres univers. A la différence des textes anciens, ces soutras affirment que le bouddha historique est la manifestation d’un bouddha transcendant. Ce bouddha a aussi délivré des enseignements si profonds qu’ils ont été tenus secrets ou transmis seulement à des êtres exceptionnels, les bodhisattvas, qui visent l’éveil parfait et suprême des bouddhas. Les soutras du Grand Véhicule présentent cet enseignement réservé aux bodhisattvas. L’objectif ambitieux et généreux du Grand Véhicule est de conduire tous les êtres vers l’éveil et les bodhisattvas, dans leur grande compassion, œuvrent dans ce monde pour les guider.
Le Véhicule du Diamant
Quoique minoritaire dans le bouddhisme mondial, le Véhicule du diamant ou Vajrayana, issu du Grand Véhicule, est souvent de nos jours considéré comme un Véhicule à part. Il s’agit du bouddhisme tantrique tibétain qui s’est développé entre le 3ème et 5ème siècle au Tibet, en Mongolie et au Bhoutan. Le bouddhisme tantrique – généralement considéré comme une école du Grand Véhicule – incorpore des techniques d’invocation de divinités et de récitations de formules rituelles. Il existe également dans d’autres pays – au Japon par exemple.
Des moines aux laïcs
Les doctrines du Véhicule des Anciens ou Theravada et celle du Grand Véhicule comportent des différences dogmatiques notables par la dimension de leur recherche et par la vision qu’elles proposent. Cependant la vie monastique est presque identique quoique la figure du moine soit moins idéalisée dans le Grand Véhicule, que les préceptes y soient moins nombreux et l’ascèse moins grande. Traditionnellement, le Sangha rassemble donc des moines chargés des rituels et de la conservation des textes, et des laïcs qui soutiennent matériellement le clergé, en échange de son enseignement.
Si, en Inde, le bouddhisme se répand par les moines errants, il se diffuse en Chine le long des routes de la soie par les marchands qui sont particulièrement ouverts à cette religion très conciliante et très pragmatique, en prise avec le réel. C’est aux laïcs que le Bouddha confie le soin de sa crémation et de la préservation de ses reliques et après sa mort, les laïcs ont la garde des lieux sacrés. Mais malgré l’importance que jouent les laïcs dans le développement du bouddhisme et dans sa diffusion, malgré l’universalité de l’enseignement transmis dans le Grand Véhicule qui s’adresse aux moines, aux nonnes, aux hommes et femmes laïques, les moines restent majoritairement considérés comme les seuls dépositaires de l’Enseignement.
Il faut attendre le début du 20ème siècle pour qu’apparaissent, en particulier au Japon, des communautés entièrement composées de laïcs. Les sociétés démocratiques actuelles sont sans doute le terrain le plus propice au message et au souhait profond du Bouddha – que tous les êtres pratiquent son enseignement en toute égalité et accèdent à la sagesse suprême –.
En Occident, en France et en Europe particulièrement, une tendance à la laïcisation se développe, la plupart de ces communautés laïques restant toutefois reliées à une autorité monastique.
Photographie : Jean-Benoît Dupont (haut) Sebastian Unrau (millieu) Autumn Mott (bas)