LA FAMILLE, LES ANCÊTRES, LES AMIS SPIRITUELS

Au-delà de ses idées, créer sa vie

Obélix est tombé dans la marmite de potion magique par hasard et a acquis ainsi une force exceptionnelle, surnaturelle. Moi, je suis entrée dans le monde du bouddhisme de lAmitié Spirituelle par « hasard », sans percevoir que ça allait me donner une force exceptionnelle et que cet Enseignement est dune grande puissance.

J’avais beaucoup de handicaps pour entrer dans l’Enseignement du bouddhisme de l’Amitié Spirituelle qui nous apprend qu’un être humain ne vient pas sur terre tout seul, qu’il est précédé d’une multitude d’êtres humains qui sont ses parents, ses grands-parents… et entouré par tous les autres êtres humains qui vivent sur terre au même moment ; et que pour évoluer, la conscience de l’interdépendance avec tous les êtres est un élément fondamental. Je suis issue d’une famille dont les grands-parents sont morts jeunes. Je ne les ai donc pas connus. Nous les Carlotti, le clan corse, nous avions un peu l’impression d’être « une génération spontanée », et arrivée là, sur terre, toute seule. Nous nous étions construits comme ça, sans le dire. Mais c’est avec ce sentiment que nous vivions finalement. L’idée des relations avec ce qui m’avait précédée n’était absolument pas présente en moi. Alors ce que j’ai entendu et qui m’a plu -il a bien fallu que quelque chose me séduise pour que je commence-, ce fut la reconnaissance pour les parents. J’ai immédiatement associé ce terme à l’amour que j’éprouvais naturellement pour mes parents, ma famille. Ainsi, tout de suite, avec ma personnalité, j’ai plaqué des idées sur ce qu’on me proposait. J’avais alors une vie satisfaisante : un métier que j’avais choisi, un petit ami avec lequel je vivais, des amis soigneusement sélectionnés. Je ne recherchais rien de particulier, surtout pas à évoluer : imprégnée sans doute du « destin » de ma famille, je n’avais pas à l’esprit la perspective d’une vie longue, d’une évolution possible… J’ai aussi été attirée par le fait que mon frère avait changé, par ce que les membres du bouddhisme de l’Amitié Spirituelle dégageaient. Ils étaient ouverts, curieux, parlaient d’évolution et intellectuellement je trouvais ça intéressant.

 

Ouvrir les yeux sur ma réalité

Assez rapidement c’est vrai que la pratique a transformé ma vie. Au bout d’un an, elle était très différente ! Mon petit copain était parti trois semaines avant qu’on ne se marie. Si je n’ai compris que plus tard le sens bénéfique de cet événement - qui était de toute évidence un résultat de ma pratique et non le fait du hasard - il m’a étonnamment encouragée, malgré la souffrance, à persévérer, à ouvrir les yeux sur cette réalité. Mais, encore une fois, mes idées ont pris le pas : j’avais surtout envie de résoudre cette difficulté, de construire ma vie, de me marier. J’ai pratiqué avec cet esprit-là. Des gens ont commencé avec moi, mus, pour la plupart d’entre eux, par cette même optique de résoudre des difficultés personnelles et ça a marché ! Au bout d’un moment la plupart des membres de mon Cercle et moi avions une vie satisfaisante et ne savions plus très bien pourquoi pratiquer. À ce moment, un événement dramatique est survenu dans ma vie qui m’a remise dans la nécessité d’évoluer pour d’autres raisons que celles précédemment évoquées. J’ai essayé sans succès d’échapper à cette souffrance et petit à petit, j’ai pu entendre : «  On ne pratique pas pour résoudre, on pratique pour évoluer, cest vraiment autre chose. Évoluer avec les autres vers une humanité plus large, en réalisant lenseignement du bouddhisme de lAmitié Spirituelle. » Je me suis efforcée alors de transformer mon esprit de pratique.

J’ai lu le Soûtra en demandant à découvrir cet enseignement, à évoluer quel que soit mon état, à aller plus loin.

 

Donner à sa vie un sens nouveau

Avec cet esprit-là, des expériences différentes se sont produites. J’ai commencé à voir la nature profonde des liens qui m’unissaient aux membres de mon Cercle, à percevoir nos conditionnements communs. J’ai ressenti alors qu’il était important que nous développions notre humanité. C’est pourquoi nous avons pris en janvier 2003, mon mari et moi, la détermination de faire en sorte qu’un groupe plus large de personnes pratique avec nous. C’était une idée extrêmement nouvelle pour moi que celle de construire un groupe, élargir ainsi ma vie. Peu de temps après avoir pris cette détermination, Brigitte, Alain et moi sommes venus au Centre rencontrer Claudine et Yasukazu pour discuter de ce  projet-là. Dès que Yasukazu a commencé à parler, à exprimer que notre pratique était trop personnelle, j’ai senti à l’intérieur que je ne pouvais pas accepter d’entendre ses paroles. Mes résistances intérieures se manifestaient par l’incapacité à dialoguer. Je ressentais un bloc extrêmement dur à l’intérieur de moi. Les personnes présentes ont eu vraiment à cœur de me permettre de dépasser cet état. Elles m’ont encouragée à essayer d’avoir un projet pour les membres de notre groupe. Ce jour-là, j’ai entendu aussi qu’il était important d’accepter de voir qui on était, et d’exprimer, en face des aspects négatifs, un regret, mais un regret dynamique qui se traduise par des actions manifestant le souhait de se transformer. J’ai reconnu pour la première fois que je ne savais absolument pas ce qu’était le regret, le repentir ; que c’était plutôt des notions que je rejetais : mes conceptions de ce que devait être un adulte c’est à dire, quelqu’un qui assume ses choix et ses erreurs m’empêchaient de pouvoir exprimer quelque regret que ce soit. Même si je sentais que cette attitude était limitée, je sentais aussi que je ne pouvais pas par ma volonté devenir quelqu’un qui regrette. « Aspire à regretter de ne pas regretter » m’a proposé Claudine. Je suis rentrée à la maison avec cet encouragement. Le lendemain, stimulée par le fait que nous devions recevoir ce soir-là un couple d’amis pratiquant avec nous - j’ai commencé à lire le Soûtra de la contemplation du bodhisattva Vertu Universelle. Nos amis sont venus à la maison et j’étais persuadée qu’ils allaient nous apprendre leur souhait d’arrêter. En fait, ils nous ont dit qu’ils n’avaient pas beaucoup pratiqué depuis six mois et qu’ils avaient vraiment envie de reprendre activement cette démarche qui avait donné à leur vie un sens nouveau, une dimension différente. Ils ont exprimé tout ce qui avait changé dans leur famille. C’était étonnant. Le lendemain, un autre membre du Cercle est passé à la maison pour lire le Soûtra. Après la récitation, elle a exprimé qu’elle avait pris conscience d’avoir une pratique trop personnelle. C’était la deuxième fois en deux jours que j’entendais cela. Enfin, beaucoup d’expériences sont survenues qui m’ont montré que lorsqu’on essaye de réaliser l’Enseignement que propose le bouddhisme de l’Amitié Spirituelle, la réalité bouge de manière immédiate. Çà m’a donc incitée à continuer ainsi. À ce moment-là, mon mari est entré dans une pratique plus concrète. Il a eu le désir de proposer à quelques collèges de pratiquer et petit à petit des gens ont commencé. Dans cette dynamique de pratique, j’ai perçu de plus en plus clairement, dans des circonstances de vie, un décalage entre mon adhésion intellectuelle à l’idée d’évolution et sa réalisation concrète. Taraudée par ce constat, j’ai été extrêmement touchée, lors d’une réunion, par des enseignements sur la bienveillance. J’ai ressenti profondément que je n’étais pas du tout quelqu’un de bienveillant et j’ai aspiré à découvrir cet état. À la fin de la Session, j’ai rencontré un membre de notre Cercle qui m’a dit une phrase qui m’a immédiatement mise très en colère ! Là, le décalage était criant entre ma réalité et la réalisation d’un Enseignement. Cette fois-ci je me suis dit « je vais faire, je ne vais pas rester dans ma tête à réfléchir ». Le lendemain, tout simplement j’ai téléphoné pour m’excuser de mon attitude. De manière inattendue, la personne m’a remerciée. « Je n’avais jamais vu, m’a-t-il dit, que mon attitude créait depuis longtemps dans ma vie des situations négatives ». C’était extraordinaire de voir à quel point le simple fait que je souhaite entrer dans cet Enseignement et me transformer, avait permis à cette personne d’ouvrir elle aussi une porte. À ce moment-là, dans le groupe, beaucoup de membres ont eu des expériences d’ouverture similaires. Nous avons alors pu commencer à faire des réunions de Cercle à la maison. Durant ces réunions, nous ressentons la qualité essentielle des liens qui nous unissent, une joie profonde à progresser ensemble, à s’encourager, à entendre des choses nouvelles, parfois difficiles, qui nous dérangent, mais qui sont vraiment celles qui vont nous permettre finalement d’aller plus loin.

Pour revenir aux handicaps que j’évoquais précédemment, la première fois que j’ai lu le Soûtra, j’ai pensé : «  c’est vraiment un truc étranger, je ne vois pas pourquoi je lirais ça ». Ce que je ressens maintenant, c’est que c’est moi qui étais étrangère au Soûtra. L’Enseignement qu’il nous propose, les attitudes qu’il nous encourage à adopter, sont loin de ce que je suis naturellement. Je commence à  réaliser ce que signifie se transformer dans le bouddhisme de l’Amitié Spirituelle. J’entrouvre une porte que je vais m’efforcer d’ouvrir grand avec les autres pour créer une humanité meilleure.

 

Danièle